Résolution sur le génocide au Congrès américain
Les Etats-Unis n'ont toujours pas reconnu le génocide des Arméniens. Les Américains étaient pourtant au fait depuis la fin du 19e siècle de la situation de la minorité arménienne dans l'Empire ottoman, des massacres puis du plan d'extermination du "gouvernement Jeune-Turc" ainsi que des déportations organisées à partir de 1915. En effet, des missionnaires et diplomates américains s'étaient rendu sur les lieux pour d'une part constater les faits, et en faire des descriptions dans des rapports officiels, et d'autre part pour secourir les victimes et leur apporter une aide matérielle.
Depuis quelques années, beaucoup de pays reconnaissent ces massacres comme le premier génocide du 20e siècle. Plusieurs Etats US l'ont également fait. Mais l'administration Bush refuse de suivre cette voie, la Turquie étant un pays allié.
Aujourd'hui, une résolution est présentée par les Démocrates et les Républicains au Congrès américain (ontroduite le 30 janvier 2007), ce qui a de fortes chances, si celle-ci est adoptée, de changer bien des choses.
En voici la traduction (par le Collectif VAN):
Congrès américain : le texte de la résolution 106
H.
RES. 106
Nous
en appelons au Président pour s’assurer que la politique étrangère des
États-Unis reflète la compréhension appropriée et la sensibilité sur les sujets
concernant les Droits de l’Homme, le nettoyage ethnique et le génocide,
contenues dans les archives des États-Unis concernant le génocide arménien, et
à toutes fins.
1
Resolved,
SECTION
1. Titre court.
Cette
résolution peut être nommée ‘‘Déclaration des États-Unis sur la résolution sur
le génocide arménien.
SEC.
2. Conclusions.
La
Chambre des représentants déclare ce qui suit :
(1)
Le Génocide arménien a été conçu et perpétré par l’Empire ottoman de 1915 à
1923, résultat de la déportation de presque 2 000 000 d’Arméniens, parmi
lesquels 1 500 000 million d’hommes, femmes et enfants ont été tués, 500 000
survivants ont été expulsés de chez eux, ce qui a eu comme conséquence
l’élimination de 2 500 ans de présence des Arméniens sur la terre de leur
patrie historique.
(2)
Le 24 mai 1915, les Puissances alliées, l’Angleterre, la France et la Russie,
ont conjointement publié une déclaration accusant explicitement, pour la
première fois au monde, un autre gouvernement de commettre “un crime contre
l’humanité”.
(3)
Cette déclaration conjointe disait “Les gouvernements alliés annoncent
publiquement à la Sublime Porte qu’ils tiendraient personnellement pour
responsables de ces crimes tous les membres du Gouvernement ottoman, ainsi que
ceux de leurs agents qui sont impliqués dans de tels massacres”.
(4)
Le Gouvernement turc en place après la Première Guerre mondiale a poursuivi en
justice les dirigeants les plus hauts placés impliqués dans “l’organisation et
l’exécution” du génocide arménien et dans “les massacres et la destruction des
Arméniens”.
(5)
Dans une série de procès en cours martiales, les dirigeants du gouvernement
Jeune-Turc ont été poursuivis en justice et inculpés, aux motifs de l’organisation
et de l’exécution de massacres envers le peuple arménien.
(6)
Les organisateurs en chef du génocide arménien, le Ministre de la Guerre,
Enver, le Ministre de l’Intérieur, Talaat, et le Ministre de la Marine, Jemal,
ont tous été condamnés à mort pour leurs crimes, cependant, les verdicts de la
Cour n’ont pas été appliqués.
(7)
Le génocide arménien et ces échecs judiciaires nationaux sont documentés par
des preuves accablantes dans les archives nationales d’Autriche, de France,
d’Allemagne, de Grande-Bretagne, de Russie, des États-Unis, du Vatican et de
bien d’autres pays, et ce vaste corps de preuves atteste des mêmes faits, des
mêmes événements, et des mêmes conséquences.
(8)
Les Archives nationales des États-Unis et les procès-verbaux de l’Administration
contiennent une documentation étendue et minutieuse sur le génocide arménien,
spécialement dans le groupe d’archives 59 du Département d’État des États-Unis,
fichiers 867.00 et 867.40, qui sont ouverts et largement disponibles au public
et aux institutions intéressées.
(9)
L’honorable Henry Morgenthau, l’Ambassadeur des États-Unis dans l’Empire
ottoman, de 1913 à 1916, a organisé et dirigé des protestations auprès de
responsables officiels de nombreux pays, y compris parmi les pays alliés de l’Empire
ottoman, contre le génocide arménien.
(10)
L’Ambassadeur Morgenthau a explicitement décrit au Département d’État des
États-Unis la politique du gouvernement de l’Empire ottoman comme “une campagne
d’extermination raciale” et a été instruit le 16 juillet 1915, par le
Secrétaire d’État des États-Unis, Robert Lansing, que le “Département approuve
votre procédure . . . pour arrêter la persécution arménienne”.
(11)
La Résolution 12 du Sénat en date du 9 février 1916, déclarait :
“On
demande respectueusement au Président des États-Unis de désigner un jour précis
pendant lequel les citoyens de ce pays pourraient exprimer leur sympathie en
contribuant à lever des fonds pour secourir les Arméniens”, qui à l’époque
subissaient “la famine, la maladie et d’innommables souffrances”.
(12)
Le Président Woodrow Wilson a approuvé et a également encouragé la formation de
l’organisation connue sous le nom de Near East Relief, charte accordée par un
Acte du Congrès, et qui a contribué à lever la somme de 116 000 000 dollars de
1915 à 1930 pour aider les survivants du génocide arménien, y compris 132 000
orphelins devenus des enfants parrainés par le peuple américain.
(13)
La Résolution 359 du Sénat, datée du 11 mai 1920, stipulait en partie, “les
témoignages apportés lors des audiences conduites par le sous-comité du Comité
du Sénat des Relations étrangères ont clairement établi la preuve des massacres
rapportés et les autres atrocités dont le peuple arménien a souffert”.
(14)
La Résolution a suivi le rapport du 13 avril 1920, envoyé au Sénat par la
Mission Militaire américaine, dirigée par le Général James Harbord, qui
stipulait “[m]utilation, viol, torture et mort hantent dans des centaines de
merveilleuses vallées arméniennes, et le voyageur dans ces régions est rarement
libre d’ignorer la preuve du plus colossal des crimes de tout temps.”.
(15)
Comme cela est exposé dans le Musée du Mémorial de l’Holocauste aux États-Unis,
Adolf Hitler, en ordonnant à ses commandants militaires d’attaquer la Pologne,
qui ne l’avait pas provoqué, en 1939, a rejeté toutes objections en affirmant
“[q]ui, après tout, parle encore aujourd’hui de l’extermination des Arméniens
?” ce qui a déclenché l’holocauste.
(16)
Raphael Lemkin, qui a créé le terme “génocide” en 1944, et qui a été l’un des
premiers à le proposer à la Convention des Nations Unies sur la Prévention et
la Répression du Génocide, a invoqué le cas arménien en tant qu’exemple parfait
de génocide au 20e siècle.
(17)
La première résolution sur le génocide adoptée par les Nations Unies à la
demande de Lemkin, le 11 décembre 1946, la Résolution 96(1) de l’Assemblée
générale des Nations Unies et la Convention des Nations Unies sur la Prévention
et la Répression du crime de Génocide ont reconnu le génocide arménien comme
étant le type de crime que les Nations Unies entendaient prévenir et punir en
codifiant les standards existants.
(18) En 1948, la Commission des Crimes de
Guerre des Nations Unies a invoqué le génocide arménien ‘précisément… un des
types d’actes que le terme moderne de ‘crime contre l’humanité’ a l’intention
de couvrir ” comme un précédent pour les tribunaux de Nuremberg.
(19)
La Commission a déclaré que “[l]es dispositions de l’Article 230 du Traité de
Paix de Sèvres avaient de toute évidence l’intention de couvrir, en conformité
à la note des Alliés de 1915…., des offenses qui avaient été commises sur le
territoire turc contre des personnes possédant la citoyenneté turque, qu’elles
soient de race Arménienne ou Grecque. Cet article constitue de ce fait un
précédent pour l’Article 6c et 5c des Chartes de Nuremberg et de Tokyo, et
offre un exemple de l’une des catégories de ‘crimes contre l’humanité’ comme
comprises dans ces ordonnances/décrets”.
(20)
House Joint Resolution 148, adoptée le 8 avril 1975: “[q]ue le 24 avril 1975
est ci-présent dénommé ‘Journée Nationale du Souvenir de l’inhumanité de
l’Homme envers l’Homme’, et le Président des États-Unis est autorisé et on lui
demande d’émettre une déclaration appelant le peuple des États-Unis à consacrer
ce jour au souvenir de toutes les victimes du génocide, surtout celles ayant
des ancêtres arméniens….”.
(21)
Le Président Ronald Reagan par la proclamation numéro 4838, en date du 22 avril
1981, stipulait en partie “comme le génocide des Arméniens avant lui et le génocide
des Cambodgiens, qui l’a suivi—et comme de nombreuses autres persécutions de
bien d’autres peuples—les leçons de l’Holocauste ne doivent jamais être
oubliées”.
(22)
House Joint Resolution 247, adoptée le 10 septembre 1984:
“[q]ue
le 24 avril 1985, est ci-présent dénommé ‘‘Journée Nationale du Souvenir de
l’inhumanité de l’Homme envers l’Homme’, et le Président des États-Unis est
autorisé et on lui demande d’émettre une déclaration appelant le peuple des
États-Unis à consacrer ce jour au souvenir de toutes les victimes du génocide,
surtout au 1,5 million de victimes d’origine arménienne….”. …”.
(23)
En août 1985, après des recherches approfondies et des délibérations, la
sous-commission des Nations Unies pour la Prévention des Discriminations et la
Protection des Minorités a voté à 14 contre 1 (d’accepter) le rapport intitulé
“Étude de la Question de la Prévention et de la Répression du Crime de
Génocide” qui déclare
“[L’]aberration
Nazie n’a malheureusement pas été l’unique cas de génocide au cours du 20e
siècle. Parmi d’autres exemples qui peuvent être cités se qualifiant, il y a ….
le massacre ottoman des Arméniens en 1915-1916”.
(24)
Ce rapport explique également que “[a]u moins 1 000 000 million de personnes,
probablement bien plus de la moitié de la population arménienne, sont estimées,
de source fiable, avoir été tuées ou déportées pour mourir, rapport d’autorités
indépendantes et de témoins oculaires. Ceci est corroboré dans les rapports aux
États-Unis, en Allemagne, dans les archives britanniques ainsi que dans ceux
des diplomates contemporains de l’Empire ottoman, y compris dans ceux de son
allié Allemand”.
(25)
The United States Holocaust Memorial Council et une agence fédérale
indépendante, ont unanimement adopté le 30 avril 1981, que le Musée du Mémorial
de l’Holocauste des États-Unis devrait inclure le Génocide Arménien dans le
Musée ce qui a ainsi été fait depuis.
(26)
Révisant une expression aberrante de 1982 (rétractée ensuite) du Département
d’État des États-Unis soutenant que les faits relatifs au génocide arménien
pouvaient être ambigus, la Cour d’Appel des États-Unis du District de Columbia,
en 1993, après révision des documents appartenant aux archives politiques des
États-Unis, a noté que l’affirmation sur l’ambiguïté dans les archives des
États-Unis concernant le génocide arménien “contredisait une politique
traditionnelle des Etats-Unis, et elle a été rétractée”.
(27)
Le 5 juin 1996, la Chambre des Représentants a adopté un amendement à la loi
3540 (the Foreign Operations, Export Financing, and Related Programs
Appropriations Act, 1997) pour réduire l’aide à la Turquie de 3 000 000 de
dollars (une estimation de ses paiements de coût de lobbying aux États-Unis)
jusqu'à ce que le Gouvernement turc reconnaisse le génocide arménien et
entreprenne des actions pour honorer la mémoire de ses victimes.
(28)
Le Président William Jefferson Clinton, le 24 avril 1998, a déclaré: “Cette
année, comme dans le passé, nous nous joindrons aux Arméniens-Américains dans
toute la nation qui commémorent un des plus tristes chapitres de l’histoire de
ce siècle, les déportations et les massacres d’un million et demi d’Arméniens
dans l’Empire ottoman pendant les années 1915-1923”.
(29)
Le Président George W. Bush, le 24 avril 2004, a déclaré: “En ce jour, nous nous
souviendrons de l’une des plus horribles tragédies du 20e siècle,
l’anéantissement de 1,500,000 million d’Arméniens par l’exil forcé et le
meurtre à la fin de l’Empire ottoman”.
(30)
En dépit de la reconnaissance internationale et l’affirmation du génocide
arménien, l’échec des autorités nationales et internationales à punir les
responsables du génocide arménien est la raison pour laquelle des génocides
similaires ont été perpétrés et pourront être perpétrés dans le futur et une
résolution juste aidera à prévenir des génocides futurs.
SEC.
3. DECLARATION OF POLICY.
La
Chambre des représentants—
(1)
En appelle au Président pour s’assurer que la politique étrangère des
États-Unis reflète la compréhension appropriée et la sensibilité sur les sujets
concernant les Droits de l’Homme, le nettoyage ethnique et le génocide,
contenues dans les archives des États-Unis concernant le génocide arménien, et
les conséquences de cet échec à faire passer une résolution juste, et…
(2)
En appelle au Président, pour le message annuel du Président lors de la
commémoration du génocide arménien le 24 avril, de qualifier avec exactitude
l’extermination systématique et délibérée de 1,500,000 Arméniens comme étant un
génocide et de rappeler la fière histoire des États-Unis et son intervention
contre le génocide arménien.