Interview d'Hélène Ségara
A l'occasion de la sortie de son album Quand l'éternité, Hélène Ségara a été interviewé dans France-Arménie Magazine, du 1/12/06.
Extraits:
Etes-vous croyante?
Je suis chrétienne mais je suis ouverte à toutes les religions. [...] quand je suis allée en Arménie en septembre, je n'ai pas manqué d'allumer des cierges dans la cathédrale d'Etchmiadzine. J'avais trop envie de le faire!
Dans votre nouveau disque, c'est la première fois que vous écrivez une chanson sur vos racines arméniennes: Dans nos souvenirs. Pourquoi ces paroles, ce besoin récent de parler de vos origines?
Cela découle de tout un cheminement personnel. Lorsque j'étais enceinte de ma petite fille, je me suis posée beaucoup de questions sur les femmes de ma famille qui l'ont précédée. Moi, ma mère bien sûr, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère... Cela m'a fait remonter le temps et m'a conduite progressivement jusqu'au génocide. Cette troisième grossesse m'a ouvert des portes inattendues sur le passé de ma famille et au fil des discussions avec ma mère, j'ai été vraiment boulversée par tout ce que j'ai appris. Je suis certaine que l'on porte en soi le passé de ses ancêtres, le ressenti des êtres qui nous ont précédés. [...]
Votre branche maternelle vient de quelle région?
La partie lointaine de mes acsendants vient de Mouch. [...]
Vous avez donc encore des proches du côté de votre ascendance arménienne?
Ma mère a grandi dans un orphelinat, séparée de tout et de tous à part une tante qui nous est chère. Ce n'est que récemment que nous avons retrouvé une partie de sa famille dont elle n'avait même pas connaissance. [...]
Pour en revenir au titre Dans nos souvenirs, vos paroles disent: "qu'enfant vous écoutiez des histoires sans bruit", est-ce vrai?
C'est excatement ca. Lorsque petite, on allait souvent chez ma tante Suzanne à Marseille. On y parlait arménien, on y buvait le café avec le marc, et puis on mangeait bien. Les grandes personnes parlaient souvent de l'exode, mais mes oreilles d'enfant enregistraient sans comprendre. Ce n'est qu'avec le temps que j'ai saisi le sens de ces paroles. Je crois que plus on vieillit, plus on retourne vers ses racines et surtout on se demande ce que l'on va transmettre à ses enfants.
La chanson s'adresse-t-elle justement à vos enfants?
Oui, mais à mon mari aussi, à ceux qui m'aiment et qui doivent savoir de quoi je suis faite, de quelle histoire je suis faite, de quels drames aussi, comme celui que mes ancêtres ot traversé. J'ai écrit cette chanson pour que ems enfants n'oublient pas qu'il y a aussi du sang arménien qui coule en moi et pour leur faire partager et porter ces racines que j'ia récemment retrouvées.
Le 30 septembre, on vous a vu évoquer le génocide dans l'émissioon de Laurent Ruquier On n'est pas couché. Quelle est votre position sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe?
En fait, chez Ruquier, il y a eu tout un débat sur les terrorristes où l'un des invités affirmait que les gens devenaient terrorristes lorsque l'on fisait du mal à leur famille. Je suis donc intervenue pour lui montrer qu'en tant qu'Arménienne ayant perdu ses ancêtre lors d'un génocide, je n'en étais pas autant devenue terrorriste. Au fil de l'émission, un politicien de droite (Pierre Lelouch) a aussi parlé de l'entrée de la Turquie dans l'Europe. En me regardant, il a parfaitement lu sur mon visage que je n'étais pas vraiment pour. Voilà pourquoi j'ai dit: "Il me parait très important qu'un petit point soit réglé avant l'entrée de la Turquie car je ne vois pas comment on pourrait se dire d'une Union sans reconnaître ses fautes." [...]
A vos yeux, la reconnaissance du génocide arménien est donc un préalable sine qua non à l'entrée de la Turquie dans l'Europe?
Oui. mais je evux dire aussi que lors d'un périple en Turquie avec des amis, j'ai senti que ce problème ne venait que d'une poignée de vieux fanatiques ou de politiciens qui s'opposaient à la reconnaissance. En écoutant la jeunesse turque, mais aussi beaucoup d'intellectuels, on sent que le frein ne vient pas d'eux et qu'ils trouvent même ce problème assez pesant et pénalisant pour le développement de leur pays.
Comment s'est passé votre voyage en Arménie à l'occasion du concert d'Aznavour?
Je suis partie en Arménie uniquement avec ma mère. C'était une première fois pour toutes les deux. Il y a eu beaucoup, beaucoup de larmes mais aussi plein de joies. A Erevan, je me suis sentie comme chez moi. Le soir, j'ai appelé mon mari en fanfare et je lui ai dit: "Je suis bien ici, je suis à une guinguette, la jolie terrasse d'un petit bar." Il y en a partout là-bas. Je m'attendais à arriver dans un pays triste et meurtri et je me retrouve dans des rues pleines de cafés, des terrasses débordantes de gens et des tonnes de restaurants encore ouvert à 11h du soir. j'avais l'impression d'être à Rome tant il y avait de l'naimation!
Combien de temps y êtes-vous restée?
Je ne suis restée que trois jours et c'est pour cela que je n'ai pas emmené mes enfants. C'était trop court avec eux, et puis je préféère que les deux derniers grandissent un peu avant de pouvoir leur expliquer l'histoire et la culture de ce pays.
Comment s'est déroulé le concert?
[...] [Charles Aznavour] m'avait déjà demandé à deux reprises de l'accompagner mais je sentais que ce n'était pas le bon moment. cette fois-ci j'ai dit oui et ca a été le moment de ma vie! [...] Il y avait des feux d'artifice, une très grande émotion et tous les artistes invités étaient enthousiastes. Dany Brillant était hyper impliqué dans la cause arménienne, il voulait tout savoir sur notre peuple, il posait sans arrêt des questions à ma mère! Isabelle Boulay aussi était ravie. Elle a ressenti un très bon feeling là-bas et ne s'est pas gênée pour affirmer "Je ne suis pas arménienne mais j'aime ce peuple-là car il a le coeur à la bonne place." [...] Quoiqu'il se trame endessous ou à un niveau politique, je pense que cette année de l'Arménie sort gagnante.
Vous les avez (les chansons) interprétées en français?
Oh oui! Je ne parle pas l'arménien à part quelques formules de politesse comme pari irigoune (bonsoir) ou pari akholjak (bon appétit).
A-t-on l'espoir de vous entendre un jour chanter en arménien?
Ce n'est pas donné, mais j'aimerais bien. J'ai déjà chanté en hébreu pour faire plaisir à l'ambassadeur d'Israël et puis en arabe aussi [...] alors je ne vois pas pourquoi je ne chanterais pas en arménien. Il me faut simplement du temps pour travailler.
Avez-vous eu le temps de visiter un peu le pays?
Non, hélas. Heureusement que l'ambassadeur d'Arménie en France a eu la gentillesse le dernier jour de me faire conduire à Etchmiadzine. Cette cathédrale est chaleureuse et très illuminée! [...] Je crois que mon passage a marqué les esprits car j'ai sans cesse été filmée en gros plan et pendant toute ma prestation scénique j'ai lutté pour retenir mes larmes! J'en avais plein les yeux et ma gorge était étranglée par les sanglots en voyant ma mère pleurer. [...]
Savez-vous faire le dolma?
Non, par contre la maman de Patrick Fiori en fait un délicieux. Moi je fais des tcheuregs chaque année et puis depuis ce voyage en Arménie j'ai mangé de si bon paklavas à Erevan que je me suis mise à en faire sans recette. En plus, je les ai réussis! J'adore aussi les beureks [...]
(Florence G. Yérémian)